Bien qu’elles fassent déjà partie du quotidien des utilisateurs chinois, les super apps, ou super applications, sont encore en cours de développement en France. Quel est leur potentiel d’adoption auprès des Français ? Découvrez-le dans le deuxième volet de notre étude consacrée à ce sujet.

Plateformes centralisées, les super applications représentent le rêve de toute entreprise. Ces applications d’un nouveau genre proposent un espace où les utilisateurs peuvent se rendre pour répondre à pratiquement tous leurs besoins du quotidien, que ce soit pour communiquer avec leur famille et leurs amis, faire des achats, payer leurs factures, réserver des voyages, ou encore écouter de la musique, sans avoir à consulter une application tierce.

C’est en Chine que les super applications ont vu le jour. Parmi les plus populaires figurent WeChat et Alipay, dont la base d’utilisateurs combinée devraient atteindre près de 2,5 milliards d’ici à 2025 (article en anglais). Ce succès inspire des entreprises occidentales telles que PayPal, Uber, Klarna ou Revolut, qui ont pour projet ou ont déjà développé leur propre super application.

Les prévisions de Gartner vont également dans le sens d’une progression de cette tendance, estimant que 50 % de la population mondiale utilisera des super applications chaque jour d’ici 2027 (article en anglais, et que ces plateformes proposeront à l’avenir des chatbots, des technologies issues de l’Internet des Objets (IoT) et des expériences immersives telles que le Metaverse.

Quelle est l’opinion de la population française sur les super applications ? Combien utilisent déjà ces plateformes ? Quels avantages et inconvénients mettent-ils en avant ? Telle est la thématique abordée par Software Advice dans le deuxième volet d’une étude menée auprès de 1000 consommateurs français, après avoir abordé dans une première partie la façon dont les consommateurs utilisent les applications traditionnelles.

Une méthodologie complète est disponible à la fin de cet article.

Qu’est-ce qu’une super application ?

Une super application est une application tout-en-un qui offre plusieurs services et fonctionnalités. Elle permet à l’utilisateur d’effectuer diverses opérations à partir d’une seule application au lieu de plusieurs.

Ces plateformes ont souvent des champs d’application très larges et peuvent inclure des fonctions variées telles que les réseaux sociaux, les achats en ligne, les services bancaires, le paiement de transport ou de billets, les jeux, ou encore la musique. Conçues pour être pratiques et efficaces, elles visent également à répondre en un seul endroit à un grand nombre de besoins quotidiens, là où de telles telles activités nécessitent normalement d’avoir recours à différentes applications.

Tel est l’argument de vente central des super applications : pourquoi devoir conserver plusieurs mots de passe différents et devoir chercher dans une bibliothèque d’applications (qui doit être constamment mise à jour) celle qui permet d’accomplir une tâche particulière, alors qu’une seule application suffit ?

Parmi les exemples de super applications les plus populaires peut être citée Wechat, qui compte 1,3 milliard d’utilisateurs actifs dans le monde. 

56 % des français interrogés ne savent pas ce que sont les super applications

Lors de notre étude, nous avons pu observer une certaine méconnaissance des participants sur ce qu’est exactement une super application, ce qui est considéré comme une super application et sur leur disponibilité en France. Par exemple, 56 % des répondants déclarent qu’ils ne connaissaient pas le concept ou le terme de super application avant de lire notre définition quand seuls 7 % indiquent au contraire connaître ce dernier.

Par ailleurs, lorsqu’interrogés sur la disponibilité des super applications en France, 51 % des participants ont répondu “Je ne sais pas”, tandis que 35 % ont affirmé “Oui” et 14 % “Non”.

Cette incertitude est quelque peu compréhensible : différentes applications, qui comprennent de multiples fonctionnalités, existent sur le marché. Désignées en tant qu’écosystème d’applications, elles sont considérées comme un ensemble de services qui proposent aux utilisateurs une solution pour une tâche spécifique. Plus répandues en Europe que les super applications, elles peuvent être vues comme une sorte de solution hybride entre les applications simples et les super applications.

Ces écosystèmes d’applications peuvent toutefois être considérées à tort comme des super applications par certains consommateurs.

Apple en est un exemple : au lieu d’être constitué d’une super application comprenant un large éventail de mini-applications, l’écosystème Apple se caractérise par le partage de matériel, de logiciels et de services qui peuvent fonctionner et interagir les uns avec les autres. Ainsi, pour chaque besoin, il existe une application dédiée, à l’image d'Apple Pay, Apple Music, iMessage, ou encore Apple TV.

Bien que proposant différentes solutions, ce type d’écosystème ne peut être comparé à celui des plus grandes super applications. WeChat, par exemple, proposerait actuellement sur une même plateforme près de deux millions de mini-applications (article en anglais). 

Les super-applications sont en ce sens considérées comme un super écosystème composé de mini-applications créées par des développeurs internes et divers fournisseurs tiers, sur une plateforme unique. Pour qu’une application soit qualifiée de super application, elle doit généralement inclure les services suivants : 

• Plateformes de réseaux sociaux
• Services d’e-commerce
• Services financiers
• Services de livraison de nourriture et de repas
• Paiement de factures 
• Transport

Bien que certains grands noms comme Meta (anciennement Facebook), Google et Apple soient en bonne voie pour atteindre le statut de super applications, ces derniers ne font pas encore partie de cette catégorie.

L’une des raisons s’explique par le fait que la plupart de leurs applications n’offrent pas encore toute la gamme des services mentionnées préalablement. L’autre raison est celle de la  réglementation : d’une part les réglementations de protection des données strictes qui prévalent dans l’UE, et d’autre part, celles qui concernent les fonctions financières, également connues sous le nom “d’in-app checkout”, soit les achats dans une application. 

Cette fonction financière spécifique permet aux consommateurs d’Asie ou des États-Unis d’effectuer leurs achats directement dans l’application, sans avoir à la quitter. Son absence s’avère être un obstacle majeur en Europe : tant que les développeurs d’applications ne parviendront pas à intégrer véritablement les fonctions de paiement et autres fonctions financières (article en anglais) dans leur application, le statut de super application restera inaccessible pour les acteurs européens.

Certaines super-applications, comme Wechat, peuvent être téléchargées en France. Toutefois, elles ne peuvent être utilisées pour effectuer des achats qu’avec un moyen de paiement associé au pays où l’application opère originellement, tel que la Chine. 

Parmi les participants ayant répondu par l’affirmative lorsqu’il leur a été demandé si les super applications étaient disponibles en France, 34 % ont déclaré utiliser actuellement une super application. C’est sur ce groupe spécifique de répondants que nous allons nous concentrer dans la section suivante de cet article.

La confidentialité et la sécurité, les facteurs les plus importants pour les utilisateurs de super applications

La commodité est sans conteste le principal avantage offert par l’utilisation des super applications. Les résultats montrent à quel point les consommateurs se reposent sur elles, puisque parmi les utilisateurs de super-apps de notre panel : 

• 61 % déclarent faire usage de leur super application entre 1 et 9 fois par jour
• 10 % les utilisent entre 10 et 19 fois par jour 
• 7 % les utilisent plus de 20 fois par jour. 

En ce qui concerne les trois facteurs les plus importants en utilisant une super-app, sont mentionnés  l’efficacité, la sécurité et un prix abordable.

Parmi les services les plus utilisés par les consommateurs via les super applications se trouvent les réseaux sociaux (71 %), les paiements par smartphone comme Paypal, Apple Pay (48 %) et la lecture de musique et de podcasts (42 %).

Avantages et inconvénients des super-apps

Parmi les nombreux avantages des super applications, deux prévalent. N’avoir à installer qu’une seule application au lieu de plusieurs applications individuelles est perçu comme un avantage important par les utilisateurs de super-apps (45%). Toutefois, ce facteur n’est mentionné qu’en deuxième position par les participants faisant usage des super-apps, à égale mesure avec l’avantage de connexion entre les différents services (45 %). L’expérience personnalisée offerte par les fournisseurs de super applications est quant à elle l’avantage principal mis en avant par ce même groupe de participants (65 %).

En revanche, les consommateurs citent la dépendance de la solution à l’égard d’Internet, soit l’impossibilité de l’utiliser hors ligne, comme le principal inconvénient des super applications (48 %), suivie de la dépendance à l’égard de la technologie qu’elles peuvent générer (45 %).

Un certain nombre d’applications traditionnelles, telles que les applications GPS, offrent désormais la possibilité d’une utilisation hors ligne. Pour les consommateurs, cela présente l’avantage de pouvoir utiliser les fonctions essentielles de l’application, même en cas d’interruption des services internet. 

La dépendance à l’égard de la technologie n’est cependant pas seulement une préoccupation soulevée par les consommateurs. Le Parlement européen, par exemple, a récemment préconisé de nouvelles réglementations pour s’attaquer au problème de la cyberdépendance, exprimant ses préoccupations à ce sujet.

De plus, les lois européennes sur la protection de la vie privée sont réputées comme étant parmi les plus strictes à l’échelle internationale, cet élément étant moins prévalent sur le territoire chinois. Cette particularité représente un défi pour les développeurs de super applications, dont le modèle économique consiste à collecter et à traiter un nombre important de  données personnelles.

Quel est le potentiel des super-apps auprès des non-utilisateurs intéressés ? Et quels éléments peuvent expliquer la réticence des participants ayant déclaré ne pas souhaiter faire usage d’une super-application ? Voici ce que nous allons analyser dans la section suivante de cet article. 

Le risque de centralisation, un frein important pour les utilisateurs potentiels de super-apps

L’opinion des utilisateurs potentiels quant aux avantages des super applications converge en grande partie avec celle des utilisateurs de super applications. Parmi les principales raisons de  leur intérêt pour les super applications sont citées :

• l’avantage de pouvoir gagner du temps en utilisant plusieurs fonctions ou services en un seul endroit (74 %),
• l’avantage de la commodité  (43 %).

Les trois fonctions et services que les utilisateurs potentiels aimeraient le plus utiliser dans une super application sont les réseaux sociaux (51 %), la messagerie électronique (48 %) et les paiements par smartphone, tels que ceux via une banque en ligne, Apple Pay ou encore PayPal (43 %).

Néanmoins,  la plupart de ce même groupe de répondants sont gênés par la centralisation inhérente au modèle de la super application (64 %), impliquant le fait de plus pouvoir accéder aux services souhaités en cas de problème technique. Une autre des préoccupations (46 %) est qu’un trop grand nombre de données personnelles seraient communiquées au fournisseur d’une seule application (46 %).

En outre, 27 % des utilisateurs potentiels craignent une plus grande dépendance à l’égard de la technologie, une préoccupation également évoquée par les utilisateurs de super applications.

Essayer gratuitement une technologie, un produit ou un service est une chose. Les utilisateurs potentiels de super-applications sont-ils pour autant enclins à y investir de l’argent ?

Payer pour des super applications ? Non merci !

Bien que les super applications suscite de l’intérêt, les utilisateurs potentiels émettent certaines réserves dès lors qu’il est question de dépenser de l’argent pour l’adoption d’une super-app.

Cette tendance peut être observée au sein des résultats de notre étude. Lorsque interrogés sur la dépense qu’ils seraient prêts à effectuer en une seule fois pour une super application, plus d’un quart des clients potentiels (47 %) indiquent ne pas être prêts à payer pour utiliser des super applications. Presque un quart d’entre eux (22 %) sont néanmoins prêts à dépenser entre un et trois euros 

Cette tendance peut être d’autant plus soulignée en analysant les intentions des utilisateurs potentiels quant à la souscription d’un abonnement aux super applications. Lorsqu’il est question d’un abonnement hebdomadaire, 68 % de ce groupe de répondants déclarent ne pas être prêts à payer pour utiliser des super applications; pour un abonnement mensuel, cette proportion est de 56 %, quand elle s’élève à 54 % dans le cas d’un abonnement annuel.

Quelles sont donc les raisons qui suscitent la réticence des participants ne souhaitant pas avoir recours à une super-app? C’est ce que nous allons analyser dans la section ci-dessous.

La préférence pour des applications autonomes, une constante pour les sceptiques des super applications

La méfiance à l’égard des fournisseurs de super applications en ce qui concerne le traitement des données personnelles de leurs utilisateurs est apparemment répandue au sein de la population française. Cette préoccupation, évoquée par les utilisateurs et les utilisateurs potentiels de super applications, est également partagée par le troisième groupe de participants à notre étude : les personnes non intéressées par les super-apps.

Si l’affirmation “Je préfère utiliser des applications autonomes pour des services ou fonctions individuels plutôt que de les regrouper dans une seule application” est mentionnée par 62 % de ce groupe de répondants,  27 % déclarent n’avoir aucune confiance dans la manière dont les super applications traitent leurs données. 

Ce scepticisme peut être attribué au fait que le fournisseur d’une super application peut centraliser un nombre important d’informations des utilisateurs par rapport à une application traditionnelle. Ce facteur peut accroître la crainte des consommateurs quant au manque de contrôle et de transparence concernant l’utilisateur de leurs données.

La majorité de cette partie du panel semble toutefois fermement opposée aux super applications. 44 % ont déclaré que rien ne les inciterait à s’intéresser aux super applications. Un peu moins d’un tiers (28 %) envisagerait néanmoins de s’y intéresser s’il était prouvé que les données personnelles étaient très bien protégées.

Les super applications sont-elles l’avenir ?

À l’ère du digital où de plus en plus de temps est passé dans l’espace numérique, les utilisateurs tendent à privilégier des solutions pratiques à des applications complexes. Épurées de par leur design, la simplicité des super applications est l’aspect qui semble convaincre leurs utilisateurs. Impliquant de passer moins de temps à rechercher, télécharger ou à configurer des applications individuelles, elles permettent d’accéder à tout ce qui peut être nécessaire pour satisfaire les besoins du quotidien de façon centralisée.

Pour  26 % du total des personnes interrogées, les super applications sont considérées comme la future norme en matière d’application, quand 34 % estiment qu’elles seront tout aussi populaires que les applications individuelles.

Reste à savoir si les super applications basées sur le modèle asiatique peuvent s’imposer en Europe : les entreprises feront-elles le choix de développer des solutions hybrides telles que les écosystèmes d’applications, ou choisiront-elles de se concentrer exclusivement sur leur propre secteur d’activité ?

Quelle que soit la direction que prennent les super applications, les deux éléments suivants sont particulièrement importants à considérer : 

• Prioriser une conception claire : intégrer un grand nombre de mini-applications dans une super application demande beaucoup d’espace. La conception doit être intelligente afin de faciliter la navigation pour l’utilisateur. Les outils UX peuvent aider les entreprises à y parvenir. 

• Optimiser la gestion de la confidentialité : plus un utilisateur peut faire de choses avec une application, plus l’application peut en apprendre sur lui. Grâce aux logiciels de gestion des données personnelles, les entreprises peuvent collecter, traiter et gérer les données sensibles conformément à leurs protocoles de confidentialité et de conformité.
  

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